Editorial
de La Revue de l'Inde n°9
Par
François Gautier
L’indianisme
français a pour mission d’étudier l’Inde,
pays si lointain pour nous, si étranger à
nombre de nos valeurs, selon les critères en
cours dans les différentes sciences
humaines. L’image d’un pays est faite d’un
amalgame de clichés, d’impressions, d’à
priori. C’est aux spécialistes : sinologues
ou indianistes, généralement payés par
l’Etat, de corriger ces impressions.
Beaucoup d’entre nous se rappellent d’une
époque où notre vision de la Chine était
caricaturale, dérogatoire, et simpliste.
Aujourd’hui, non seulement grâce à un
engouement économique, mais aussi grâce aux
sinologues, l’image que nous avons de la
Chine s’est considérablement améliorée.
S’il est vrai que la recherche en France
est indépendante de l’Etat et ses objectifs
sont des objectifs de recherche, et non de
vulgarisation, il n’en reste pas moins que
l’indianisme français semble avoir pris un
train de retard : la France n’est que le
neuvième investisseur en Inde, prochaine
superpuissance en Asie. Nos politiques
négligent souvent l’Inde, bastion de
démocratie et de libéralisme dans une Asie
en proie au fondamentalisme musulman et à la
tentation d’hégémonie chinoise. Et beaucoup
d’entre nous ont encore une idée de l’Inde –
misère, mouroirs de Calcutta, violences –
qui ne correspond qu’à une petite partie de
la réalité indienne.
L’indianisme français remplit-il donc bien
sa tâche ? Les indianistes du CNRS ou de l’EHESS,
ne se sont-ils pas trop attardés sur les
problèmes ultra connus et médiatisés de
l’Inde : castes, intouchabilité, pauvreté,
fondamentalismes, négligeant ainsi de parler
de son indéniable potentiel ? Peut-on parler
de l’Inde sans y vivre ? Autant de questions
que la Revue de l’Inde a posées à tous,
donnant aussi bien la parole aux indianistes
qu’à leurs critiques.
La Revue de l’Inde se devait également de
célébrer le centenaire (1907-1994) d’Alain
Daniélou, sanscritiste, musicologue,
écrivain, historien et peintre. Chaque être
humain porte en lui-même sa part d’ombre –
et Daniélou avait la sienne – nous ne
l’occulterons pas dans cet hommage. Mais
Alain Daniélou a su prêter sa voix à la
culture indienne traditionnelle, sans retour
critique mais avec un grand effort de
fidélité à ce qui fait son génie propre. Il
fut un homme qui un homme qui vivait l’Inde
du dedans et n’en avait pas peur. Son
histoire de l’Inde, vient d’être rééditée
par Fayard pour la énième fois et son Mythes
et Dieux de l’Inde (Le Rocher) constitue
l’explication la plus cartésienne de ce
qu’est la philosophie hindoue.
Sarah Pottok nous rappelle tout de même
qu’il existe des abus intolérables en Inde,
contre les castes, les femmes, les enfants
et que la grandeur de l’Inde ne pourra être
tant que justice ne sera faite à tous.